06.02

De bon matin nous nous sommes rendus dans un village bedouin de Ka’abiya au nord d’Haifa. La première chose qui nous a frappé sont les maisons : beaucoup sont en cours de construction, habitées ou non. Notre guide nous explique que ces communautés préfèrent investir petit à petit dans leur maison et la construire à mesure plutôt que la construire à crédit. Difficile à savoir s’il s’agit d’une raison religieuse (certaines confessions musulmanes refusent le prêt avec intérêt) ou d’un refus de la prise de risque. Les bédouins du nord d’Israël sont environ 50’000 dont environ 9’000 vivent dans ce village de Ka’abiya. Toutes ces familles du nord se sont sédentarisées durant le 20ème siècle, aidées par les gouvernements successifs. Dans le sud d’Israël, dans le désert du Negev, beaucoup sont restés nomades bien que l’on perçoive une tendance nette à l’abandon de ce style de vie pour la sédentarisation.

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Nous avons pu parler avec l’adjoint du maire de Ka’abiya qui nous a accueilli dans la sobriété de leur hôtel de ville. Il nous a fait part des particularités et du dynamisme du village. Nous avons été surpris de voir les liens forts qui lient les villageois. En premier lieu, le fait que tout le monde soit invité aux mariages et aux enterrements, transformant ces événements en fête de milliers de personnes nécessitant une infrastructure importante. L’adjoint du maire nous a raconté comment la communauté avait aussi reconstruit en trois jours la maison d’un de leur concitoyen qui avait brûlée. Ce lien fort, parfois envahissant, nous a rappelé les sociétés villageoises valaisannes d’antan. Notre interlocuteur perçevait cependant des changements de moeurs dus à l’augmentation de la population et de la qualité de vie. Difficile en effet de bien se connaitre lorsqu’on atteint les 9’000 habitants. La population explose, la moyenne d’âge est d’ailleurs de 18 ans. Tout change très vite. Les filles autrefois cantonnées au ménages sont maintenant nombreuses à se rendre dans les universités israéliennes (plus nombreuses que les hommes). Les jeunes n’apprécient plus de la même manière les coutumes bédouines et s’en distancient. Tous les bédouins sont cependant attachés à leurs choix de vie et se battent pour maintenir certaines libertés face au gouvernement. Leur forte fidélité au service militaire et à la nation israélienne leur donne aussi bonne presse. Cette visite nous a permis de comprendre l’extrême diversité de ce pays. L’Etat doit composer avec une multiplicité ethnique, linguistique et religieuse qui rappelle quelque peu la Suisse.

Après cette rencontre, nous avons pu partager un café à la cardamome dans la propriété d’Ali, notre chauffeur. Nous avons également eu une démonstration du rituel bédouin (très musical) de la mouture du café. Nous nous sommes ensuite rendus en Galilée pour une balade dans les gorges, parsemées d’anciennes grottes de berger. Après une courte pause pique-nique en contrebas des falaises, nous avons repris la route pour se rendre sur le plateau du Golan, à deux pas de la frontière syrienne et jordanienne.

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Le but de la visite était de découvrir un camp « Mechina ». Ces genres de colonie ont pour but de préparer les jeunes au service militaire ou à des études supérieures. C’est une sorte de camp scout aux aspirations démocrates donnant une certaine autonomie aux adolescents et quelques responsabilités limitées afin de les préparer à leur vie adulte. Dans la réalité, cela ressemble plutôt à une année sabbatique pour les jeunes en pleine puberté avec des épreuves pour tester leur compétences sociales ou sportives. C’était assez perturbant de voir ces jeunes, parfois très utopiques, s’amuser à quelques kilomètres de la frontière syrienne d’où s’élevait une fumée noire, nous rappelant la dureté de la réalité.

Après une journée très riche en découverte, nous avons quitté la Galilée pour nous rendre à Tel Aviv, la ville qui ne dort jamais. Passant des moutons et rochers aux gratte-ciel et grandes avenues à l’américaine, il était difficile de ne pas terminer cette journée de contraste sans boire une bière au bord de la mer.

-Frédéric Jollien

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