08.02

Le cinquième jour de notre voyage donne lieu à une journée de relâche à Tel Aviv. En ce jour du shabbat, un soleil resplendissant promet de belles promenades le long des plages prises d’assaut par les israéliens. Le programme de notre voyage est très fourni et cette journée libre est bienvenue pour les participants ; elle nous permettra d’aller à la découverte de Tel Aviv et de la petite cité voisine de Jaffa, d’y flâner, d’y rencontrer la population et de s’y laisser surprendre.

A première vue, Tel Aviv a tout d’une ville occidentale typique ; bars, restaurants, rues commerciales, plages… On constate que la religion s’y fait plus discrète que dans d’autres villes du pays. Ici, la tradition du shabbat a cédé le pas à la culture des loisirs. Le jour du shabbat, les Telaviviens s’en vont se promener, faire du sport ou simplement lézarder au soleil pour récupérer d’une nuit passée à faire la fête. Hébergeant la communauté homosexuelle la plus dynamique du Moyen Orient, Tel Aviv est réputée pour être une ville aux mœurs progressistes et libérales. Son intense vie nocturne attire chaque week-end une population jeune et internationale. La ville la plus dynamique d’Israël est aussi un important pôle culturel. Lieu de villégiature, ville de la fête et de l’insouciance, Tel Aviv est comme une bulle en Israël. La sérénité ambiante contraste fortement avec l’image que l’on peut se faire d’un pays en conflit permanent avec ses voisins.

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D’un point de vue morphologique, Tel Aviv se présente comme une ville debout face à la mer. Le long de quelques magnifiques plages de sable fin s’étire un front bâti de hauts immeubles commerciaux et résidentiels. La forme compacte de son agglomération facilite les déplacements à pied ou à vélo. La circulation est ainsi rendue plus fluide et les rues sont peu bruyantes. Le jour du shabbat, le trafic est plus faible encore et les bus ne circulent pas.

Tel Aviv est une ville récente. Son origine remonte à la fin du XIXe siècle lorsque des juifs de la cité voisine de Jaffa décidèrent de quitter leur banlieue insalubre pour s’établir un peu plus au nord, sur la plaine côtière sablonneuse. A partir de 1906, les premiers plans d’établissement d’une véritable ville nouvelle furent dessinés sur le modèle de la cité-jardin anglaise. Fondée en 1909, Tel Aviv – littéralement « la colline du printemps » – tient son nom de la traduction en hébreu de Altneuland, une nouvelle de Theodor Herzl, fondateur du mouvement sioniste à la fin du XIXe siècle, dans la laquelle il développe l’utopie sioniste.

A partir de sa fondation, la population a rapidement cru. En 1930, la ville comptait pas moins de 160’000 habitants. La croissance s’accélèra encore dans les années suivantes avec l’émigration des juifs persécutés en Europe. Pour endiguer les risques d’un développement anarchique, plusieurs architectes-urbanistes élaborèrent des plans d’extension de la ville. C’est à cette époque que furent construits les bâtiments de style Bauhaus, aujourd’hui classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce style a été introduit en Palestine par des architectes juifs allemands fuyant le nazisme. La concentration exceptionnelle de bâtiments de style Bauhaus, aux façades enduites de chaux et aux lignes épurées, a valu à Tel Aviv le surnom de « Ville blanche ». Après-guerre, pour lutter contre l’étalement urbain, la municipalité décida de développer la ville en hauteur. C’est à partir de ce moment qu’apparurent les nombreux gratte-ciels qui jalonnent aujourd’hui le front de mer et lui confèrent sa skyline emblématique.

En poussant la promenade vers le sud, on approche bientôt de la cité de Jaffa. Perchée sur un monticule rocheux à une petite heure de marche de Tel Aviv, Jaffa abrite l’un des plus vieux ports du monde encore en activité. Exploité depuis 4000 ans, son port naturel a compté parmi les plus importants de la Méditerranée.

Tout au long de son histoire, Jaffa a vu défilé les plus grandes civilisations de son temps. Fondée par une tribu hébraïque, elle fut successivement conquise par les Egyptiens, les Assyriens, les néo-Babyloniens, les Perses, les Grecs (conquêtes d’Alexandre Le Grand) et les Romains, avant de tomber sous domination musulmane en 640, puis d’être prise par les Croisés qui la conservèrent jusqu’à l’invasion des Mamelouks en 1291. Elle revient ensuite à l’Empire Ottoman avant d’être conquise par Napoléon de retour de la Campagne d’Egypte puis par l’Empire Britannique à la fin de la Première Guerre mondiale. Finalement tombée aux mains du nouvel Etat d’Israël après la Guerre d’Indépendance en 1948, la cité est rattachée à la municipalité de Tel Aviv en 1950.

Aujourd’hui, la vieille cité restaurée abrite de nombreuses galeries d’art, des restaurants, des théâtres. La cuisine locale est très réputée pour ses fruits de mer. Le quartier historique se présente sous la forme d’un labyrinthe de petites ruelles sèches et minérales. Le vieux port est très animé toute l’année et de jeunes musiciens s’y produisent. La maille urbaine serrée, les bâtiments à échelle humaine, les cours intérieures, petites places ombragées et autres jardins suspendus confèrent à la cité un charme sans prétention. Le samedi, il n’est pas rare de croiser les habitants de Jaffa assis devant la porte de leur maison à lire ou à discuter avec le voisinage.

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On rentre à Tel Aviv par la magnifique promenade arborisée qui longe le bord de mer et ses célèbres plages dorées de sable fin. La plage attire toutes les populations. On y trouve des joueurs de Maktot, de jeunes couples formés la veille entre autres amateurs de cerfs-volants. La pratique du sport en ville est rendue aisée par la disponibilité de nombreuses infrastructures publiques.

Autour de 17h00 en hiver, on assiste à un magnifique coucher de soleil en sirotant un cocktail sur l’une des nombreuses terrasses de plage. On y contemple le soleil qui s’échoue dans la mer Méditerranée et le ciel qui se revêt de magnifiques couleurs pourpres et dorées, semblant à des jets de flammes sur l’horizon. Lorsque le soleil en a fini de tirer avec lui toutes les couleurs chaudes, il nous laisse encore quelques tons d’un bleu profond tout droit sortis d’un tableau d’Yves Klein. Le mercure chute aussi vite que le soleil est parti et c’est bientôt la nuit noire qui tombe sur Tel Aviv, le balcon du Moyen Orient sur l’Occident.

-Alexandre Jöhl

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