12.02

En route pour une baignade dans la mer morte, notre petit groupe fait escale à Maale Adumim, l’une des plus grandes colonies israéliennes en Cisjordanie, à environ sept kilomètres de Jérusalem. Nous y sommes accueillis par Daniel Basch, montreusien installé en Israël depuis une trentaine d’année et président de Conseil d’administration d’Extal, une entreprise de fabrication de profil d’aluminium établit dans cette colonie depuis 1988.

Cette visite fut l’occasion d’obtenir des réponses à trois questions centrales pour comprendre la situation et se forger une opinion sur les appels au boycott des produits provenant des colonies. Nous avons appris pourquoi les entreprises choisissent de s’installer là, quelles sont les motivations des Palestiniens pour y travailler, et dans quelle atmosphère Israéliens et Palestiniens travaillent ensemble.

Durant sa présentation de l’entreprise, Daniel Basch expose les raisons économiques et politiques qui ont décidé Extal à s’installer à Maale Adumim. Il nous apprend que le gouvernement israélien soutient les entreprises implantées dans les colonies par le biais de baisse d’impôts, et demande aussi parfois explicitement à certaines entreprises de s’y installer et d’y employer des Palestiniens, qui seront payés au moins au salaire minimum israélien. En agissant ainsi, le gouvernement cherche à éviter que les colonies, considérées comme importantes pour la sécurité d’Israël, ne deviennent de simples cités-dortoirs, mais aussi à stabiliser la région : un emploi fixe et un salaire décent n’encouragent pas les Palestiniens à soutenir des actions contre Israël.

La journée se poursuit par une visite de l’usine, et par des discussions ouvertes avec les employés, sans Daniel Basch. Nous rencontrons notamment Omar Sabih, Palestinien établi à Bethléem et employé d’Extal depuis 25 ans. Il nous explique avoir appris l’anglais dans une université jordanienne, et répond à nos questions sur sa vie quotidienne, ses aspirations et son avis sur la question israélo-palestinienne. Nous cherchons d’abord à confirmer les dires de Daniel Basch sur l’égalité de traitement entre employés palestiniens et israéliens, et Omar Sabih nous apprend gagner environ 2’000 US dollars par mois, soit environ deux fois le salaire minimum israélien et, conformément au droit israélien, cotise notamment au système de retraite, avec une contribution de son employeur. Lorsque l’on aborde la question politique, Omar Sabih partage le pragmatisme que nous avons trouvé chez la plupart de nos interlocuteurs au cours de notre séjour. Son plus grand souhait ? Que la frontière soit à nouveau ouverte, et qu’il puisse se rendre librement à Jérusalem. Il travaille ici car le salaire y est deux fois supérieur au salaire moyen en Cisjordanie, et lorsque nous lui demandons son avis sur le fait que l’entreprise soit située dans une colonie, il nous répond que si l’entreprise était située en Israël, il ne pourrait tout simplement pas y travailler à cause des frontières. En plus de cela, il apprécie l’ambiance de travail et l’égalité entre employés. « Les employés d’Extal, qu’ils soient Israéliens ou Palestiniens, sont comme une seule grande famille », explique-t-il.

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Cette visite fut l’un des moments marquants de notre voyage. Alors que l’Europe parle de boycott des produits fabriqués dans les colonies, nous avons eu la chance de pouvoir nous faire notre propre opinion. Nous avons découvert que la situation des entreprises implantées dans les colonies est plus nuancée qu’il n’apparaît depuis l’étranger : Yasser Abd Rabbo, conseiller de Mahmoud Abbas que nous avons rencontré à Ramallah, nous a d’ailleurs avoué être partagé entre la satisfaction de son idéal politique qui se traduit par l’appel au boycott des produits des colonies et l’acquiescement de la stratégie habile du gouvernement israélien qui garantie, malgré tout, une sécurité financière pour ses compatriotes employés par les entreprises implantées dans les colonies. Les discussions avec les employés nous ont aussi montré que la paix et la coopération sont possibles et souhaitables pour les deux parties. Espérons simplement que l’Europe bien-pensante se rende compte de l’absurdité du boycott : c’est être bien peu utile aux Palestiniens que de vouloir les priver de leur emploi.

-Grégory von Niederhäusern & Mohamed Atiek

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